Où sont les femmes ? Une question devenue une rengaine dans beaucoup de secteurs économiques et tout particulièrement dans la filière de la technologie financière, la Fintech.

C’est un secteur qui utilise abondamment l’intelligence artificielle (IA), le rapport sur l’intelligence artificielle, écrit par le mathématicien et député Cédric Villani ; et rendu public fin mars 2018; peut donc nous aider à faire un constat précis de ce manque de diversité et surtout à tenter de trouver des pistes susceptibles d’améliorer la représentation des femmes dans le numérique.

Constats et solutions afin que cette question « où sont les femmes ? » devienne le plus tôt possible une litanie démodée.

Un constat accablant

Dans son rapport, Cédric Villani consacre un chapitre entier, le sixième, à la place des femmes dans la filière du numérique.

Dans ce chapitre intitulé « Pour une intelligence artificielle inclusive et diverse », le mathématicien dresse un constat accablant : « Rappelons que les femmes représentent près de la moitié de l’humanité, mais à peine 33% des personnes du secteur numérique (12% seulement, si l’on écarte les fonctions transversales et supports) ».

Un chiffre qui est très semblable à celui de la Fintech française (31% de femmes). De plus, on notera qu’en Europe, seuls 5% des dirigeants des Fintech sont des femmes, d’où le cri d’alarme du député :

« L’intelligence artificielle ne peut pas être une nouvelle machine à exclure ! »

 

La fintech ne doit pas être une nouvelle machine à exclure, un équilibre hommes/femmes est nécessaires

Les femmes représentent près de la moitié de l’humanité, mais à peine 33% des personnes du secteur numérique. 

 

Plus dure est la chute

Une belle formule, mais le combat s’annonce difficile, voire même extrêmement périlleux.

En effet, en décembre dernier, le quotidien Le Monde rappelait qu’en l’espace de 30 ans, la place des femmes dans l’informatique a été réduite de moitié :

« En 1983, c’est le deuxième secteur comportant le plus de femmes diplômées, avec 20,3%, soit 6 points au-dessus de la moyenne des femmes ingénieures. Dans les années 2010, les filières STIC (sciences et technologie de l’information et de la communication) diplôment seulement 11% de femmes ! »

Un milieu hostile ?

Dans l’informatique, le nombre de diplômées féminins ne fait malheureusement pas que chuter, on note aussi que les femmes quittent en plus grand nombre le secteur.

Aux États-Unis, dix ans après l’obtention de leur diplôme, seules 25% des femmes travaillent encore dans leur secteur de diplomation.

Autre chiffre inquiétant : après dix ans d’expérience, 41% des femmes quittent leur emploi contre seulement 17% d’hommes (source : Women in IT). Se sentiraient-elles isolées au sein d’équipes très ou trop masculines ?

Inverser la tendance

Après avoir mis en exergue, dans son rapport sur l’Intelligence artificielle, une sous-représentation des femmes dans le secteur du numérique, Cédric Villani fait un certain nombre de propositions concrètes pour permettre aux femmes une juste représentation.

En effet, il n’est plus possible de tergiverser, il faut inverser la tendance.

Certes, l’informatique doit être appris dès le plus jeune âge afin de donner goût à tous au numérique, mais il est aussi, selon le mathématicien, « urgent de passer d’ici 2020 à 40% d’étudiantes dans les filières du numérique (classes préparatoires et filières des grandes écoles et des universités) ».

 

Il est nécessaire d'encourager les établissements de formation à inverser la tendance

 Il est urgent de passer d’ici 2020 à 40% d’étudiantes dans les filières du numérique
 

Parmi les pistes incitatives : une labellisation ou une subvention pour les établissements parvenant à atteindre rapidement cette proportion de 40% de filles.

Irréaliste ? Pas tant que cela ! Pour bien comprendre, tournons-nous vers la Norvège qui a pris conscience du problème bien avant la France.

Dès 1995, la Norwegian University of Science and Technology (NTNU) a lancé une grande opération de séduction pour introduire de la mixité dans ses classes.

Ce programme, Women in Computer Initiative (WCI), a permis en un an de passer de 6% à 38% de filles dans tous ses établissements à travers le pays. Une incitation qui se poursuit aujourd’hui encore avec le même succès.

Lutter contre les discriminations

Permettre aux femmes d’apprendre les métiers du numérique, c’est bien, faire qu’elles puissent y travailler, c’est encore mieux. Pour cela, le rapport Villani préconise la mise en place d’une « politique de transparence sur les processus de recrutement et de promotion car si les processus sont souvent formalisés dans les grands groupes, ils le sont moins dans les petites entreprises et les startups. »

Enfin, on n’est jamais aussi bien servi que par soit même alors le rapport souhaite favoriser la recherche en IA en faveur de la détection des discriminations afin de pouvoir mener de grandes enquêtes sur les discriminations entre les femmes et les hommes dans le secteur du numérique.

Pour une autre vision du monde

En conclusion, comme l’écrit le mathématicien Cédric Villani : « Pour relever les défis de l’intelligence artificielle, il nous faut nous appuyer sur l’ensemble de nos talents ! ».

En effet, se priver d’une vision du monde féminine dans le développement des technologies liées à l’IA est dangereux et risque d’emmurer la société dans de terrifiants clichés.

Un exemple : ce sont bel et bien des équipes majoritairement masculines qui ont mis en place tous ces assistants intelligents aux traits et aux noms toujours féminins : Alexa chez Amazon ou Cortana chez Microsoft. Des assistantes, évidemment disponibles 24h/24, mais qui, dès qu’il faut passer à une expertise plus technique, laissent la place aux hommes.

C’est donc aussi pour éviter cette image totalement archaïque de la répartition des tâches que les secteurs de la Fintech et du numérique doivent absolument trouver les solutions afin que les femmes prennent toute leur part dans l’invention de l’intelligence artificielle de demain.

Déposer un commentaire

Inscrivez-vous à notre newsletter